La Russie a récemment annoncé sa décision de suspendre sa participation à l’accord d’exportation des céréales ukrainiennes. Bien que cela puisse sembler avoir peu d’impact immédiat, cette décision soulève des questions quant aux conséquences sur l’économie mondiale.
L’Ukraine est actuellement le premier exportateur mondial d’huile de tournesol, ainsi que le quatrième pour le blé et le maïs. L’accord quadripartite, qui garantissait depuis un an l’exportation sécurisée des céréales ukrainiennes via la mer Noire, a expiré récemment. Cela a permis l’exportation de 33 millions de tonnes de grains d’Ukraine au cours de cette période. Bien que les effets de la fin de cet accord ne se feront pas immédiatement ressentir, des tensions et une inflation alimentaire sont inévitables à moyen terme.
La situation est bien différente de celle de fin février 2022, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, entraînant la fermeture de la mer Noire à la navigation et perturbant ainsi la principale voie d’exportation des produits agricoles ukrainiens. À cette époque, l’Ukraine était le premier exportateur mondial d’huile de tournesol, ainsi que le quatrième pour le blé et le maïs. L’ouverture du corridor en août 2022 a permis de soulager les pays importateurs, en particulier ceux en Méditerranée et en Afrique, et a fait baisser les prix mondiaux qui avaient atteint des niveaux record en mai.
Cependant, au cours des deux dernières années, la production de céréales de l’Ukraine a diminué de près de moitié, avec des prévisions de 25 millions de tonnes de maïs et 17,5 millions de tonnes de blé pour 2023-2024, contre respectivement 42 millions et 33 millions en 2021-2022, selon le dernier rapport du ministère américain de l’Agriculture. Cette diminution de la production signifie que l’Ukraine exportera environ 6 millions de tonnes de blé et 10 millions de tonnes de maïs de moins par rapport à la campagne précédente.
Malgré cela, la suspension de l’accord n’a pas provoqué de réaction majeure sur les marchés. Actuellement, l’hémisphère nord est en période de récolte, ce qui réduit les besoins immédiats en grains. Cependant, les conséquences à moyen terme restent incertaines.
La communauté internationale a réagi à cette décision russe, exprimant des inquiétudes quant à l’augmentation des prix alimentaires et ses effets sur la sécurité alimentaire mondiale. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a souligné que des centaines de millions de personnes risquent de faire face à la faim et qu’elles en paieront le prix. Le chef de la diplomatie américaine a qualifié la décision russe d’inadmissible,soulignant que l’utilisation de la nourriture comme une arme va compliquer la livraison d’aliments là où cela est désespérément nécessaire et entraîner une hausse des prix.
Malgré le retrait russe, l’Ukraine affiche sa volonté de continuer à exporter ses céréales par la mer Noire, avec ou sans l’accord de Moscou sur la sécurité des navires. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a affirmé que Kiev était prête à poursuivre ses exportations de céréales via la mer Noire, démontrant ainsi une détermination à trouver des solutions alternatives pour maintenir ses exportations.
Avant même l’ouverture du corridor maritime en 2022, l’Union européenne avait mis en place des corridors terrestres et fluviaux pour faciliter les exportations ukrainiennes à travers l’Europe. Cependant, il reste des interrogations quant aux capacités de l’UE à réexporter les volumes de céréales ukrainiennes récupérés depuis le début du conflit. Bien que des améliorations soient envisagées, notamment en termes d’harmonisation des gabarits ferroviaires entre l’UE et l’Ukraine, cela prendra du temps.
L’inquiétude persiste pour les mois à venir. Si le monde ne manque pas de blé pour le moment, il existe une forte dépendance vis-à-vis de la Russie, qui détient environ 12,5 millions de tonnes de stocks, faisant du blé russe le moins cher du marché mondial. La Russie pourrait partiellement compenser le manque ukrainien, tout comme l’UE, qui prévoit une récolte abondante. Cependant, cela renforcerait la dépendance des pays tiers à l’égard de Moscou et pourrait poser problème en cas d’accidents climatiques majeurs.
Les impacts sur les prix alimentaires et la sécurité alimentaire sont également préoccupants. Déjà, certains pays éprouvent des difficultés à honorer les paiements pour certains appels d’offres, comme l’Égypte récemment. De plus, l’aide alimentaire elle-même risque d’être fragilisée, car une partie des exportations ukrainiennes de blé est destinée au Programme alimentaire mondial, qui fournit entre autres le Yémen, l’Afghanistan et la Corne de l’Afrique.
Dans l’ensemble, le retrait russe de l’accord d’exportation a des conséquences significatives sur les céréales ukrainiennes et l’économie mondiale. Tensions à prévoir et inflation alimentaire à moyen terme suscitent des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire mondiale. L’Ukraine et la communauté internationale devront travailler ensemble pour trouver des solutions alternatives et atténuer les effets négatifs de cette situation.